Le prestige des œuvres en alliage cuivreux
Du cuivre et de ses alliages, les Africains ont tiré de nombreux bijoux. Dans la plupart des royaumes, ce métal était roi, surtout lorsque l’or était rare. Les royaumes de l’actuel Nigéria, Ifè
et Benin city en particulier, sont des modèles de l’utilisation des alliages cuivreux. On en a fait des têtes de rois et des portraits de couple royaux à Ifè. Certaines de ces têtes semblent
encore nous parler. D'un très grand réalisme, ces personnages portent parfois des scarifications qui rappellent certains visages que l’on peut encore croiser aujourd’hui dans les villes du pays.
Leur grand "classicisme" a fait penser que ces œuvres ne provenaient pas de l’invention et de la créativité locale. On a inventé pour les Africains, au nom du diffusionisme, des bronziers grecs
ou carthaginois dont on n’a jamais pu retrouver les traces…Sans la découverte des plaques en bronze du Bénin lors d’une expédition punitive anglaise en 1897, jamais le monde n’aurait
cheminé vers le cubisme dont on ne cesse de parler. Ces plaques traitées en bas relief, racontaient les exploits guerriers des rois, les cérémonies religieuses. Elles ont démontré l’existence
d’un brillant art de cour où les personnages et les scènes de la vie prennent un relief unique. On y découvre une perspective due tout simplement à la hiérarchisation des personnages dans le
plan.
Les instruments de musique ont aussi été réalisés avec des alliages cuivreux. Au sud du Bénin, la musique de cour, exécutée par les reines à Xogbonou [4], se fait à l’aide d’une canne à
percussion en alliage cuivreux sur laquelle coulissent des anneaux. Initialement, elle était en fer. Il est probable que la beauté des sons du métal en alliage cuivreux ait conduit au changement.
Plus au nord, dans le pays fon, les cloches géminées des "kpanlingan", ces hérauts de cour qui redisent chaque jour au lever du roi, la geste des rois ancêtres, sont aussi en alliage cuivreux.
Le cuivre et ses alliages continuent d’exercer un grand attrait sur les Africains. Certains en ont découvert les vertus thérapeutiques et n’hésitent pas à y recourir. L’artisanat d’art dans la
plupart des pays de l'Afrique de l'Ouest continue de perpétuer des formes nées depuis des siècles, où le cuivre redit de tout l’éclat de son jaune, la beauté et la joie de vivre
[4] Xogbonou est un des noms de l'ancien royaume de Porto-Novo, au Bénin.